Lavanda – Notes de voyage contre la ligne à grande vitesse Lyon-Turin (TAV)

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Lavanda
Notes de voyage contre la ligne à grande vitesse Lyon-Turin (TAV)

« Giù le mani dalla lavanda », Bas les pattes de la lavande, c’est par ce cri ironique que policiers et journalistes furent accueillis, le 27 juin, devant les barricades de la Libre République de la Maddalena. Que le mouvement No tav ait toujours pris soin des champs de lavande, tandis que l’État les piétine avec ses arrogantes grolles, était, à sa manière, un signal, une ligne de partage.
« Lavanda » rappelle également un cri de guerre, un peu étrange, bien loin des slogans triomphalistes.
« Lavanda », c’est aussi des notes de voyage écrites par plusieurs camarades qui ont mêlé leur route à travers les campements et les bosquets de la Val Susa. Quelques-uns se connaissaient déjà bien, certains moins, d’autres pas du tout.« Lavanda » n’est donc pas l’organe d’un groupe politique, mais l’expression d’une exigence née et partagée au cours de la lutte No tav. Une exigence surgissant d’un même jet que les gaz lacrymogènes. Pour le dire franco, ce sont des ennemis de la Grande Vitesse, mais aussi du monde qui l’impose. Des loubards ? Certes, comme ceux qui rêvent les yeux ouverts d’une vie sans forteresses ni coffres-fort à protéger, libres et sauvages comme la lavande.

Correspondances
Le monde est en ébullition. L’énumération des révoltes qui caractérisent le temps présent serait sacrément longue. L’anomalie valsusaine, avec toutes ses particularités, ne se situe pas ailleurs par rapport à cette géographie des possibles. Et ceci n’est pas en contradiction avec son caractère de lutte spécifiquement locale. La rancœur envers la police qui anime la jeunesse de la Vallée n’est pas si éloignée de la haine des jeunes du Caire ou de Londres. L’amour pour leur terre des anciens Valsusains – moi je transportais les bombes pour les partisans, te racontent-t-ils – n’est pas non plus différent de l’obstination des vieux de Gaza. La complicité des mères des rebelles athéniens a la même chaleur du « vous êtes tous nos fils » souvent entendu à Chiomonte ou à Giaglione.  Correspondances entre lieux et générations.

Saut
Fin des médiations. Voilà ce que nous dit le présent. Ce n’est pas nous qui le décidons, mais les plans actuels du Capital, avec les Marchionne, Maroni et Fassino de service [Respectivement : ex Directeur Général de Fiat, ex-Ministre de l’Intérieur, Maire de Turin et dirigeant du Parti Démocrate]. Littéralement les fils barbelés, les check-points et les lacrymogènes à tir tendu nous le répètent. En comparaison, la bataille du Seghino [Affrontements avant la reprise du camp de Venaus], en octobre 2005, fut une partie de pétanque. Même la reprise de Venaus a littéralement fait son temps. Si, à l’époque, on pouvait croire qu’une montée du niveau de pression suffirait à ouvrir d’improbables négociations (en réalité, si non signifie non, il y a bien peu à négocier), maintenant, seuls comptent les rapports de force. Ce qui ne signifie pas envisager une confrontation frontale et insoutenable avec l’armée. Il faudra plutôt envisager un saut imaginatif, une disposition qualitative diverse. De nouveaux nœuds et de nouvelles interrogations à démêler..

Capacité
Le terrain de l’affrontement en cours a été imposé par l’occupation militaire de la zone du chantier. Les vieilles certitudes du mouvement ont été ébranlées par la force brute en uniforme. Jusqu’à l’évacuation de la Libre République de la Maddalena, on faisait confiance à la volonté. Maintenant la question de la capacité se pose. Auparavant, la volonté populaire hostile au chantier semblait d’abord pouvoir être le principal obstacle au lancement des travaux, et alors, si elle avait pu s’exprimer, personne n’aurait pu l’arrêter. Longtemps on s’est bercés de pareilles convictions. Pour l’heure, face à la solide arrogance de l’Appareil, ces illusions s’effondrent. Nous devons à présent démontrer notre capacité à lutter, de manière efficace, contre une invasion militaire. C’est une toute autre paire de manche.

Au-delà de la ligne
Les résistances contre les occupations coloniales ont quelque chose à nous enseigner. Elles ne se sont jamais posées dans le cadre de l’affrontement frontal – symétrique – avec les occupants, sur un champ de bataille. Cela aurait conduit à un échec certain. C’est un combat sur un terrain plus approprié : ne pas être là et tel que l’ennemi t’attend, mais jouer avec agilité et imprévisibilité. Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les républiques partisanes des Alpes occidentales furent écrasées par la première contre-offensive nazifasciste. Les partisans comprirent alors qu’il convenait d’adopter, en présence d’un ennemi mieux armé et organisé, une ligne de front différente : fluide, rapide et fluctuante, avec l’objectif de mettre en doute les lignes ennemies et les esprits. Le partisan doit être partout et nulle part. Utiliser le temps en sa faveur, donner son rythme à la lutte. Si, par exemple, l’État a la nécessité de démobiliser rapidement ses troupes (coûteuses, affaiblies, prélevées sur d’autres fronts), l’opposition au Tav pourrait avoir tout intérêt à prolonger la présence des forces de l’ordre sur le chantier, leur mobilisation constante (jour et nuit), pendant une durée indéterminée. Un paradoxe, bien sûr. Des hypothèses à vérifier. Vivre en mouvement ce temps évasé. Étendre la non-collaboration active face à l’occupant. Considérer des actions qui nuisent aux intérêts de ceux de mèche avec le Tav, comme la société d’autoroute Sitaf par exemple, en promouvant peut-être les initiatives de « péage gratuit » discutées pendant l’été. Quelque chose de simple à réaliser, efficace par rapport au but visé, et enfin « populaire » du point de vue communicatif. Et encore : réussir à instaurer un blocage général de la Vallée, paralysant donc le réapprovisionnement des troupes. L’élément déclencheur pourrait être une grève diffuse dans la Vallée. Une grève non-syndicale, une abstention collective de travail et d’école pour paralyser la normalité de l’occupation militaire, un usage actif du temps. Encore une fois, des hypothèses à vérifier..

Front interne
Un autre signal des temps : la frontière entre guerre et paix, entre ennemi intérieur et ennemi extérieur, entre opérations militaires et activités policières, devient toujours plus floue et indistincte. Les troupes Alpines, aujourd’hui déployées à la Maddalena, hier évoluaient en Afghanistan, et demain on pourrait les rencontrer n’importe où. Par ailleurs, le barbelé du chantier-fortin est le même que celui utilisé en Israël. Les compétences acquises par les soldats au cours des divers conflits armés sont mises à profit dans la gestion de l’ordre interne. Les exemples sont nombreux : contrôle des populations dans les Abruzzes après le tremblement de terre, situation d’urgence pour les déchets de Naples, transformation de l’île de Lampedusa en camp de concentration, création d’un réseau de radars « anti-immigrés » sur les côtes, hommes en tenue de camouflage patrouillant dans les rues de plusieurs villes. Chaque territoire, chaque situation, chaque « urgence » devient une occasion d’expérimenter ce qui était explicitement prévu dans le rapport de l’Otan Urban Operations 2020. Les troupes sur le chantier indiquent bien la manière dont le système démocratique se prépare à affronter les rébellions qui le menacent, à l’extérieur comme à l’intérieur de ses propres frontières.

Architecture de l’occupation
D’ailleurs, tout ce qui peut advenir dans la vallée en terme de militarisation est le reflet d’une réalité très ordinaire sur le territoire métropolitain. Le système répandu de vidéo-surveillance correspond à une sorte de check-point universel ; l’éclairage publique a la même fonction en ville que les spots lumineux sur le chantier ; ce qui suscite scandale sur un sentier de montagne, c’est-à-dire exhiber ses papiers d’identité, est un épisode courant dans les rues de la cité. Et ainsi de suite. À bien y regarder, l’analogie est valable en sens inverse : le territoire valsusain devient toujours plus contrôlable, au fur et à mesure qu’il ressemble davantage à un fragment urbain. Les « Grands Travaux » ne sont pas seulement prétexte à militarisation, mais aussi partie intégrante d’une architecture de l’occupation : les chantiers deviennent des forteresses, les viaducs des tours d’où frapper de haut, les autoroutes des voies impériales sur lesquelles avancent les troupes, rapides et implacables. Par chance, les forêts sont vastes, les pierres omniprésentes, les sentiers tortueux, les pentes abruptes.

Parler clair
La guerre trace également son chemin dans le langage. On parle de nouvelles « règles d’embauche » pour les forces de l’ordre, par exemple, en expliquant que les ennemis c’est nous, c’est-à-dire quiconque n’accepte pas, tête basse et en silence, les projets désastreux du Capital. Il y a ceux qui demandent à transformer le chantier en « zone d’intérêt stratégico-militaire ». Et l’insistance sinistre avec laquelle on évoque l’éventualité que « il y aura un mort » a tout l’air de ces prophéties qui s’avèrent.  Quand les puissants et leurs serviteurs parlent clairement, il est de bon ton de les écouter. Bersani [ex-ministre et secrétaire du Parti Démocrate], le menteur, dit la vérité lorsqu’il affirme que ce qui est en jeu en Val Susa n’est pas la réalisation d’un train, mais bien la démocratie. Si les populations pensent pouvoir faire capoter un projet de l’État, et si elles y réussissent, adieu la démocratie réelle. Par un virtuose effet domino – « nous aussi faisons comme en Val Susa » – le risque court que la soumission saute en même temps que les fauteuils de ses administrateurs. Lorsqu’Emma Marcegaglia [Présidente du patronat italien (Cofindustria)] affirme qu’il est tout simplement inadmissible que des gens, dans un État souverain, occupent une territoire, y construisent des barricades, déclarent la Libre République et ne laissent pas entrer la force publique, elle met le doigt sur l’essence même de ce qu’est la Maddalena. Pouvons-nous leur donner tort ? Aucune  Constitution ne nous autorise à prendre de telles libertés. Et aucun gouvernement au monde ne pourrait le tolérer. Quand les syndicats de police déclarent ne pas être équipés pour affronter une situation qui dépasse le cadre de l’habituelle « gestion de l’ordre public » ; quand ils demandent de nouvelles armes, ou la possibilité de tirer avec des flashballs et de charger sans restriction les No-Tav hors du fortin, ils illustrent mieux que n’importe quel professeur d’université la soi-disante phase historique dans laquelle nous sommes entrés. Sans parler des policiers cognant les immigrés à Lampedusa, portant des t-shirts avec écrit « Mercenaires » ou encore « Gênes 2001 : j’y étais ».  À eux tous, il faut et on doit répondre comme à une époque où les luttes, elles aussi, parlaient franchement : « Vous ne pouvez pas nous concéder le droit de choisir où et comment vivre ? Vous pouvez par contre disparaître ».

Métropoles de montagne
Tant d’histoires s’entrelacent et s’impriment dans les temps et les lieux de la vallée, ouvrant de nouveaux chapitres. Beaucoup qui restent à écrire sont déjà réels. Ça c’est maintenant, ça c’est la Val Susa. Bras ancestral, endurci par les torrents et les vignes ; les pierres des maisons, posées loin des éboulis, des pentes et des clochers. Viaduc grisâtre et démesuré, construit par des machines et des hommes pour des machines et des hommes, qui serpente de métropole en métropole. Passant en trombe à travers la vallée, transformant les montagnes en un périphérique d’échelle régionale. Sans discontinuité avec le Môle turinois. Mais une forte tension, quelque chose qui grince au loin.  Un territoire habité, traversé, contrôlé. Ramifications de la domination qui se déploient avec force, érigeant des stations de feu, entrant dans les maisons et dans la vie des autres : un territoire contrôlé, la vallée, mais pas totalement sous contrôle. Un lieu géographiquement fragmenté, à deux minutes à vol d’oiseau de Terzigno, à un kilomètre de l’épicentre de l’Aquila, au plus profond de la zone rouge. Qui y vit ? Une communauté montagnarde ? Être nés et avoir grandi ici à une demi heure de Turin, n’est pas un critère selon lequel on peut se définir. Travailleurs pendulaires, éleveurs, paysans, ouvriers sidérurgiques et tant d’autres : une liste chargée d’existences marquées par leur travail quotidien. C’est ainsi que la police voudrait que soient les choses. Un peuple tranquille, qui sait rester à sa place: consommer dans les grands magasins, emmener les enfants à l’école et payer ses impôts.  Mais l’imposition des dispositifs de pouvoir les fait vivre ensemble, ces existences. Elle les fait se rencontrer, débattre et mettre en commun. Une fracture s’est ouverte, un saut, nous sommes entrés sur un autre territoire. Et alors on se découvre capables de s’organiser et de se doter d’une stratégie. Une communauté d’objectifs : rassemblements, assemblées, cortèges, attirail varié. Et puis la rencontre avec qui vient de plus loin transportant avec lui d’autres mémoires et pratiques de luttes, et tirant le maximum de son expérience dans la vallée. Ici chacun est apprécié pour ce qu’il dit et ce qu’il fait. On devient humble, capable d’honnêteté et de consistance. Les enchevêtrements des transparences deviennent opaques pour l’ennemi. Pour la police il est ardu d’identifier, et donc de séparer, cette communauté d’existences avec ses dynamiques. Elle s’y essaie, voilà, papiers, photos, poursuites et interdictions de territoire. Mais dans la Val Susa le phare du pouvoir balaie dans le noir. « Nous sommes tous des black bloc ».

Trame et chaîne
L’histoire d’une communauté en lutte a une trame offensive. En altérer l’étoffe c’est faire le jeu du pouvoir. Ceci peut survenir de plusieurs façons. La manière plus courante – typiquement médiatique – consiste à évoquer des “infiltrations” de tous genres, corps étrangers, adversaires et agents provocateurs. Ils tentent toujours le coup, mais avec de bien maigres résultats. La complicité, sève vitale de la lutte, peut toutefois se rompre de manière différente. Un certain manque d’intelligence dans les situations, un excès d’approximations dans certains gestes, l’incapacité de percevoir la température morale d’un moment donné, peuvent conduire à des incompréhensions, des non-dits, à l’affaiblissement de la confiance réciproque. Une pierre lancée n’a pas toujours le même poids. Parfois il vaut mieux la conserver dans sa poche. Il faut bien tendre l’oreille. Mais les mots aussi ont leur poids. Souvent plus considérable. Par exemple lorsqu’on parle au nom des autres. À maintes reprises sont apparus des communiqués, en particulier pour prendre ses distances par rapport à certaines actions de sabotage dans la vallée, rédigés par de petits groupes, et publiés au nom du mouvement No Tav sans qu’ils aient été discutés durant les assemblées. Avant toute chose c’est un problème de méthode. D’autre part cela crée des divisions là où agissent des différences. Enfin l’usage de termes tels “criminels”, “terroristes” et “mafieux” pour décrire des gestes qui sont, qu’on le veuille ou non, l’expression d’une opposition au Tav est tout simplement inacceptable. Non seulement parce qu’en agissant ainsi on adopte les catégories du pouvoir, mais aussi parce qu’on confond des niveaux opposés sur le plan éthique. Deux mondes inconciliables – ceux qui gazent et ceux qui sont gazés, ceux qui dévastent et ceux qui résistent – ne peuvent être décrits avec les mêmes paroles.

Sabot
Un sabot qui bloque un engrenage mécanique comme forme de résistance. Le terme même de sabotage porte en lui cette image. Comment arrêter le Tav ? Il faudrait neutraliser politiciens et mafieux, diraient certains, ou la société du profit, ou l’État dirait-on ailleurs. D’autres encore indiqueraient la police, le pouvoir, le contrôle. Mais si l’on indiquait les grilles, les bulldozers et les foreuses, les routes qui mènent au chantier, les réapprovisionnements pour le personnel, les dortoirs, d’un seul coup tout le monde serait d’accord. Les routes ont été bloquées, les grilles découpées, les trains stoppés dans les gares. Une belle série de gestes simples et directs, pourtant quelque chose manque. On a parlé d’une cartographie des éléments indispensables à la logistique de l’occupation. Quand au fortin l’eau a manqué, on a parlé que de ça pendant deux jours. Enthousiastes nous sommes partis bloquer les portes d’Italcoge1 ; puis à Avigliana à tirer du lit les policiers rentrés de leur tour de garde. De fait, chaque action de ce type a constitué un acte de sabotage au détriment de la construction du tunnel. Ça devient une évidence, si nous réussissons à les mettre en perspective avec la complexe machine d’imposition du TAV.  Les engins carbonisés à Meana di Susa font, ou plutôt faisaient, partie de cette machine, ayant servi (au dire des journaux) à l’évacuation de la Libre République de la Maddalena. Inutile de faire du théâtre. Nous nous en sommes tous réjouis. Ou presque. On n’oublie pas les gaz, les coups de matraque et les promesses de revanche. On n’oublie pas la Maddalena et l’intensité de ses trente-sept journées. Toutes les pratiques – de la brochure à la marche tranquille, du blocage à la prise d’assaut en masse, des promenades diurnes aux promenades nocturnes, des grilles découpées par groupe de centaines à la galopade en petit comité – font partie de la même trame. Avec ses passages et les rythmes qu’ils suggèrent. D’une histoire contre l’Histoire.

Entraînement
Les services secrets, selon ce que laissent suinter les agences de presse, estiment que plusieurs âmes ardentes ont vu dans l’été valsusain une occasion de s’entraîner à la guérilla. En dehors de l’insipide jargon des bureaucrates de la répression, il y a du vrai dans ce genre de considérations. Dans la mesure où nous serons capables de porter avec nous une expérience. D’affrontement, certes, mais aussi de parole, d’échange, de complicité. Un exercice de tact. Une modalité du dire, de la composition, de l’écoute. Grâce à laquelle, il ne faut pas le négliger, s’est créée au fil des ans la confiance nécessaire pour partager la lutte en Val de Suse. Une question de pas, voire de rythme, pour courir le risque de rencontrer quelqu’un. Après tant d’années de soi-disant mouvements, qui furent souvent la version boitillante de la passivité politique, la perspective subversive quitte les étagères empoussiérées des bibliothèques. Pour devenir un ensemble de mesures à prendre. Le je-ne-sais-comment-faire et son dépassement sont la clé authentique d’une expérience. La Val Susa offre des suggestions concrètes : on ne tient pas une situation si on ne se dote pas des moyens adéquats ; on ne plonge pas dans l’apnée policière sans Maalox ou masque à gaz. Mais aussi de stratégie, c’est-à-dire de mouvement inscrit dans la durée. Ainsi l’abysse de sens qui court entre le 14 décembre romain [2010] et le 3 juillet valsusain. L’ivresse du moment, l’esquisse d’un roman d’amour.

Questions de classe
Être dans le mouvement attractif, à travers de multiples lieux de conflits, est bien différent que de juxtaposer Tav et guerre, Tav et Finance, Tav et précarité. Ça signifie transporter la vallée en ville, et la ville dans la vallée. Porter la vallée en ville : connaître en premier lieu les chemins, les passages, les brèches où disparaître ; repérer les hauteurs d’où frapper ; s’entraîner à l’efficacité balistique ; ne jamais manquer du nécessaire. Si l’on s’improvise sur les sentiers sylvestres on se perd, on gravit péniblement les pentes et les pierres roulent sous les pieds. Porter la ville dans la vallée : signaux confus qui restent à observer. Pour qui raisonne en terme d’hégémonie politique, le problème demeurera celui d’auto-promouvoir des groupes, des organisations, des drapeaux. La classe, au contraire, ne cherche pas les mérites : elle apparaît et disparaît dans ce qu’elle fait. Justement parce que la Val Susa n’est pas un ailleurs, la généralisation du conflit constitue une des meilleurs perspectives qui puissent être apportées dans la lutte. Non seulement parce que cela obligerait l’État à débarrasser la Maddalena des troupes militaires, mais parce qu’elle redessinerait la ligne de front et, avec elle, la nature de la résistance No Tav.

La guerilla partisane vainc seulement au moment de l’insurrection générale.

15 octobre 2011

Quelques dates importantes du mouvement No-Tav

Années 90 : Premières oppositions et sabotages diffus contre l’initiation du projet en Val Susa.

Années 2000 : Le mouvement devient plus massif, création petit à petit de comités No-Tav sur tout le territoire. Le mouvement utilise plus les médias et commence à se diffuser hors de l’Italie.

2005 : Opposition au carottage des géomètres, premières manifestations massives (plusieurs dizaines de milliers de personnes)

Le 8 décembre, occupation et destruction du premier chantier pour la construction du tunnel par les No-Tav, à Venaus.

2011 : 22 mai, début du rassemblement permanent, occupation et proclamation de la Libre République de la Maddalena No-Tav  sur le site prévu pour le nouveau chantier.

27 juin, expulsion manu-militari du campement de la Maddalena

3 juillet, une immense manifestation internationale prend d’assaut la forteresse militarisée qui entoure le nouveau chantier de la Maddalena.

Août 2011 – Janvier 2012 : vagues d’arrestations, de procédures judiciaires et d’incarcérations visant de  nombreux activistes No-Tav. Plusieurs manifestations de solidarité ont lieu dans  toute l’Italie.

Publié le 15 octobre 2011 – Turin
Février 2012 pour la traduction et la présente édition
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Actualité et textes sur le Val Susa : No Tav France

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